9 espèces invasives présentes en Suisse
Le professeur de la faculté de biologie et de médecine Daniel Cherix, passionné, expert et observateur des fourmis sur l’ensemble de la planète a expliqué à l’assistance que la fourmi « Tapinoma Magnum » faisait partie des 9 espèces dites « invasives » présentes en Suisse. Une fourmi est considérée comme invasive lorsqu’elle arrive dans notre pays en provenance de l’étranger. Les fourmis se déplacent grâce aux moyens de transport développés par l’homme dès le 15e siècle depuis la découverte par les européens des autres continents. Cette nouvelle fourmi est exotique et préfère le chaud, raison pour laquelle elle vit à l’intérieur des bâtiments. Selon les dires du professeur, c’est une espèce très intéressante qui vivait à l’origine dans des zones chaudes du bassin européen en Afrique du nord, Italie, sud de la France et Espagne, avant d’émigrer ces dernières années dans le nord de l’Europe en Allemagne, Belgique, Hollande et tout dernièrement sur nos rives lémaniques sur le territoire de Cully. Cette nouvelle espèce est très populeuse. Elle vit en milieu suburbain et présente la particularité de voir cohabiter des membres de petite et de grande taille. Si elle vient du sud, cette fourmi résiste au froid et n’hiverne pas. Son hyperactivité hivernale représente même un phénomène d’observation assez unique. Extrêmement fertile, la colonie possède plusieurs reines par nid et se reproduit extrêmement facilement. Pour maximiser leurs chances de reproduction et économiser leur énergie dans ce but, les reines ne pratiquent pas le vol nuptial mais s’accouplent sur place dans un nid des plus précaires. L’espèce est dite généraliste. Elle se nourrit essentiellement de sucre et de protéines trouvés sur place. Ces nouvelles arrivantes vivent en compétition avec les autres espèces indigènes.
Chronologie d’une invasion massive
Puis, le biologiste Gérard Cuendet, appelé sur place par la commune pour identifier l’espèce, a expliqué que la colonie était actuellement concentrée autour de l’église catholique. Découverte en 2016, il a été appelé au mois d’août 2017 par la concierge de cet établissement pour venir protéger le bâtiment au moyen de barrages insecticides et éradiquer les individus. Dès les premiers jours d’intervention, le biologiste a été surpris par le tas impressionnant de plusieurs milliers de cadavres qui jonchaient le sol. D’octobre 2017 à février 2018, les travaux du chantier des Fortunades, dont le site abritera à terme les pompiers, la voirie et les archives communales viennent bouleverser la situation. Les pelles mécaniques utilisées sur le chantier extraient des tonnes de terre contenant éventuellement de ces fourmis mises en décharge dans les communes de Savigny (à la Claie-aux-Moine) et de Forel (Lavaux). En novembre le propriétaire d’une maison voisine du chantier (Corniche 16) se plaint également d’une invasion de fourmis au rez-de-chaussée avant qu’elles annexent également le premier étage de cette maison.
Plan d’action 2018
Le plan développé par les spécialistes prévoit tout d’abord de protéger les bâtiments exposés au moyen de barrages insecticides et d’appâts. L’éradication totale de l’espèce indésirable n’est pas gagnée d’avance mais reste un objectif visé. Il s’agira également d’observer les décharges environnantes où la terre du chantier a été dernièrement acheminée afin de déterminer si l’espèce parvient de créer de nouvelles colonies sur place. Une communication sera faite dans ce sens aux communes environnantes concernées.
Trois projets de recherche conduits en 2018
Anne Freitag, conservatrice des invertébrés au Musée de zoologie de Lausanne a expliqué que trois projets différents de recherche seraient conduits sur place cette année. Le premier projet étudiera les effets de la fourmi « Tapinoma Magnum » sur les espèces locales et ses interactions éventuelles. Ce travail de bachelor débutera au printemps. Un deuxième projet étudiera les effets de l’intruse sur la vigne. Un troisième projet établira les méthodes de lutte contre la nouvelle espèce invasive sous forme de tests en laboratoire, sur le terrain et en grandeur nature. Un produit contraceptif pour reines sera intégré à la nourriture des fourmis ouvrières chargées de redistribuer la nourriture aux reines concernées.
Questions-réponses et conseils à la population
Une séance de questions-réponses a précédé l’apéritif de fin de soirée. Les habitants ont pu exprimer leurs craintes, voire même leur agacement face à ce phénomène médiatique qui fait parler de Cully dans les médias nationaux. Certains se sont plaints du manque d’informations produites par la commune et du fait que ces fourmis sont devenues des projets d’étude pour biologistes, au grand dam de certains habitants qui se sentent impuissants face à cette invasion. Pourquoi dès lors faire un immense foin et conduire différentes études, alors que certains Culliérans se disent envahis de fourmis depuis dix ans au moins ? « Serait-ce un folklore pour ramasser des sous ? » s’est exclamé un membre de l’auditoire. En cas d’invasion, les personnes concernées sont priées de ne pas acheter d’insecticide en grande surface car ces produits ne sont pas adaptés à l’éradication de la nouvelle espèce. Un appel au biologiste responsable par l’intermédiaire de l’administration communale permettra une intervention aussi rapide qu’adéquate dans les meilleurs délais. Les différents projets en cours sont financés par la Confédération et le canton de Vaud. Les habitants sont aussi priés de ne pas exporter de terre à l’extérieur du périmètre concerné pour limiter l’expansion de la colonie. Les autorités communales ont également besoin de l’autorisation des propriétaires concernés pour que les spécialistes puissent faire leurs observations sur place. L’administration communale est chargée de la coordination. Elle publiera de nouvelles informations dès que ce sera utile sur le site internet communal afin d’informer la population sur les prochains développements à venir de cette invasion sous observation.